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Le plan de vigilance, qu'est-ce que c'est ?




Le plan de vigilance : nouvelle obligation destinée aux grandes entreprises pour une meilleure prévention des risques dès 2018






La loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre (n° 2017-399 du 27 mars 2017) impose aux grandes entreprises de constituer un plan de vigilance à inclure à leur rapport annuel de gestion à compter du premier exercice de 2017, et un compte rendu de sa mise en œuvre effective à partir de l’exercice de 2018.

Selon ses auteurs, il s’agit « d'instaurer une obligation de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre à l'égard de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs » et « de responsabiliser ainsi les sociétés transnationales afin d'empêcher la survenance de drames en France et à l'étranger et d'obtenir des réparations pour les victimes en cas de dommages portant atteinte aux droits humains et à l'environnement ». Cette loi intervient notamment quelques années après l’effondrement meurtrier d’un immeuble d’ateliers de confection textile opérants pour diverses marques internationales au Bangladesh en 2013. Malgré de larges fissures apparues sur le bâtiment du Rana Plaza, les ouvriers avaient été forcés à rejoindre leur poste au risque d’être licenciés, ce qui avait entrainé la mort de plus d’un millier d’entre eux lorsque le bâtiment s’est effondré quelques heures plus tard. Les grandes entreprises devront alors mettre en place un plan de vigilance dès cette année. L’inexécution de cette obligation sera sanctionnable. Le but est de responsabiliser et d’encadrer les entreprises dans une économie mondialisée où la tendance est à la délocalisation vers des pays où le coût de la main-d’œuvre est faible et où la protection sociale des travailleurs est réduite. Cette initiative s’inscrit parallèlement aux dispositifs de responsabilité sociale des entreprises (RSE – certifications ISO et autres labels) basés sur l’éthique mais pas nécessairement contraignants. Quelles sont les entreprises concernées ? L’article L 225-102-4 du code de commerce modifié par l’ordonnance n° 2017-1162 du 12 juillet 2017 prévoit qu’il s’agira de « toute société qui emploie, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins cinq mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins dix mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français ou à l'étranger ». Il est aussi rappelé que les sociétés filiales ou contrôlées par une autre entité au sens large de l’article L 233-3 (notamment lorsqu’elle détient la majorité des droits de vote à l’assemblée générale ou lorsqu’elle contrôle des organes de direction) seront aussi concernées par le plan de vigilance constitué par cette entité. Si l’article vise principalement les grandes entreprises, les petites et moyennes entreprises seront également concernées par le plan constitué, si elles sont fournisseurs ou sous-traitants de grandes entreprises à travers une relation durable et établie. Que doit contenir le plan de vigilance ? « Le plan comporte les mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l'environnement, résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu'elle contrôle au sens du II de l'article L 233-16. » (article L 225-102-4 du code de commerce) Le champ de vigilance et de protection à établir est donc très large vis-à-vis des valeurs protégées et de son périmètre d’application, puisque la société mère mais aussi ses filiales, sous-traitants et autres entités tels que ses fournisseurs et autres entités sur lesquels elle opère un contrôle au sens de l’article L 233-3 sont concernées. Selon l’article L 225-102-4, le plan devra contenir : 1° Une cartographie des risques destinée à leur identification, leur analyse et leur hiérarchisation ;

2° Des procédures d'évaluation régulière de la situation des filiales, des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, au regard de la cartographie des risques ;

3° Des actions adaptées d'atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves ;

4° Un mécanisme d'alerte et de recueil des signalements relatifs à l'existence ou à la réalisation des risques, établi en concertation avec les organisations syndicales représentatives dans ladite société ;

5° Un dispositif de suivi des mesures mises en œuvre et d'évaluation de leur efficacité. Ce plan, dont l’élaboration sera faite dans « le cadre d'initiatives pluripartites au sein de filières ou à l'échelle territoriale », ainsi que son compte rendu seront rendus publics et inclus dans le rapport de gestion déposé au greffe du tribunal de commerce. Le Conseil constitutionnel a par ailleurs indiqué lors de son contrôle que, ce plan étant public, il ne saurait imposer « aux sociétés tenues à l'établissement d'un tel plan de rendre publiques des informations relatives à leur stratégie industrielle ou commerciale » (Décision n° 2017-750 DC du 23 mars 2017). Différentes entités pourront donc être sollicitées pour constituer ce plan (notamment associations de défense, ONG et autres), dans la mesure où ce plan global devra aussi être adapté à diverses réalités territoriales et juridiques au niveau international. Quelles sont les sanctions applicables ? Si aucun plan n’a été mis en place et publié, il est possible de contraindre l’entreprise à en publier un : « Lorsqu'une société mise en demeure de respecter les obligations prévues (au I de l’article L 225-102-4) n'y satisfait pas dans un délai de trois mois à compter de la mise en demeure, la juridiction compétente peut, à la demande de toute personne justifiant d'un intérêt à agir, lui enjoindre, le cas échéant sous astreinte, de les respecter. » Une mise en demeure peut donc être adressée à l’entreprise concernée qui n’aurait pas créé ou publié son plan de vigilance et celle-ci disposera de 3 mois pour le produire. Si elle n’en est pas capable, toute personne justifiant d'un intérêt à agir pourra saisir la juridiction compétente ou le président du tribunal saisi en référé (dans le cadre des cas d’ouverture d’un référé) qui enjoindra alors à la société de produire son plan de vigilance et une astreinte, dont la portée et l’ampleur sera à déterminer par le juge, pourra être fixée. Pour ce qui est de l’existence d’un intérêt à agir, on pensera d’abord aux salariés des diverses filiales et sous-traitants mais aussi aux associations et ONG concernées. Par ailleurs, une action en responsabilité est prévue par l’article L 225-102-5 du code de commerce (renvoyant aux principes généraux de la responsabilité extracontractuelle des articles 1240 et 1241 du code civil). Elle conduirait à obliger la société à réparer le préjudice que l’exécution de ses obligations aurait permis d’éviter. Il sera nécessaire de prouver une faute de l’entreprise ainsi qu’un lien de causalité démontrant que le plan n’a pas été suivi correctement ou était insuffisant. Notons qu’une amende civile allant jusqu’à 10 millions d’euros selon la gravité du manquement avait aussi été envisagée dans la loi mais la disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel qui a considéré que les obligations créées par le texte de loi étaient insuffisamment claires et précises et qu’une telle amende méconnaîtrait les exigences découlant de l'article 8 de la Déclaration de 1789 (Décision n° 2017-750 DC du 23 mars 2017). Il existe cependant le risque que les plus grands groupes s’accommodent d’un plan réduisant le plus possible leur responsabilité tout en restant dans le cadre du texte, et alors il appartiendra au juge en cas de litige de déterminer si les mesures adoptées sont bien des « mesures de vigilance raisonnable » comme le prévoit le texte. À l’opposé, le poids de la mise en conformité avec un plan de vigilance peut être contraignant pour des entreprises réduites, type fournisseurs et sous-traitants, et réduire leur compétitivité. La jurisprudence prochaine nous dira dans quelle mesure cette action en responsabilité pourra fonctionner. Ainsi, ce devoir de vigilance dont le législateur a tracé les grandes lignes reste à être éprouvé par la pratique et le juge.


© Olivier Le Moal/Fotolia

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