Le recours pour excès de pouvoir contre les actes de droit souple des autorités de régulation
Depuis 1977 et l'institution de la première autorité administrative indépendante[1], les autorités de régulation se sont installées dans le paysage juridique français malgré les critiques.[2]
Parmi les nombreux enjeux associés aux AAI et API[3], on trouve la question du régime contentieux des actes qu'elles prennent. La compétence juridictionnelle est éclatée entre les autorités administratives et judiciaires[4].
Concernant le juge administratif, il était tentant d'imaginer un contentieux de l'excès de pouvoir classique pour l'ensemble des actes unilatéraux pris par les autorités de régulation. Malheureusement, les choses sont un peu plus compliquées du fait des mutations du droit et du développement d'une normativité dite « souple ».[5] On rappelle que la recevabilité d'un recours pour excès de pouvoir est conditionnée principalement par l'existence d'un intérêt à agir et d'une décision administrative faisant grief.[6] Or, les autorités de régulation recourent de plus en plus à des actes de droit souple comme des recommandations, des communiqués de presse, des partages de bonnes pratiques qui sont autant d'actes qui échappaient au contrôle du juge administratif jusqu'en 2016.
Deux arrêts rendus le 21 mars 2016[7] ont étendu le champ des actes que le juge administratif accepte de connaître. La portée de la décision administrative faisant grief a été étendue aux actes « de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique, ou ont pour objet d'influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s'adressent. »[8].
Cette évolution a été confirmée en décembre dernier avec l'extension de ce critère aux lignes directrices de l'Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes).[9] L'évolution mérite d'être suivie et d'autres arrêts risquent prochainement de poursuivre le mouvement entamé avec les décisions de 2016. Cette question soulève le débat de la nature de l'activité de régulation à propos de laquelle on renvoie ici simplement à une excellente publication de l'Association française de droit administratif.[10]
Notes :
[1] B. Plessix, Droit administratif général, LexisNexis, (2016), p 310, § 248
[2] J. Mézard, rapport n° 126 [2015-2016], 28 oct. 2015
[3] Respectivement Autorité administrative indépendante et Autorité publique indépendante
[4] C. Froger, « Les interventions législatives après la décision Conseil de la concurrence », AJDA, 2017, n°2, p 112
[5] Conseil d’État, Le droit souple, étude annuelle 2013. Doc fr,.2013
[6] B. Plessix, Droit administratif général, LexisNexis, (2016), p 1375-1386
[7] CE, 21 mars 2016, Société Fairvesta international et Société Numéricable, respectivement n° 368082 et n° 390023
[8] Idem respectivement considérant 4 et considérant 5
[9] CE, 13 décembre 2017, Société Bouygues, n° 401799
[10] AFDA, Les controverses en droit administratif, « Peut-on se passer de la notion de régulation ? », Dalloz, Coll. Thèmes et commentaires, p 131-168
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